université
de Bourgogne

Le changement climatique sur le gril

Changement climatique : de quoi parle-t-on ?

Depuis la formation de la Terre (4,54 milliards d’années), le climat a toujours connu des variations. Cependant, « le changement climatique que nous connaissons depuis les années 1970 est caractérisé par la rapidité de ses variations : la question de l’échelle de temps est ici essentielle » indiquent Benjamin Pohl (chargé de recherche CNRS) et Jean-François Deconinck (Professeur) du laboratoire Biogéosciences, qui nous guident dans ce voyage à travers le temps.

Un peu d’histoire…

La Terre a connu une succession de périodes glaciaires dites « ice-house » et de périodes chaudes sans calottes glaciaires, dites « green-house ». Chaque grande glaciation comprend des stades glaciaires et interglaciaires, beaucoup plus courts, ce qui explique que nous traversons actuellement une période glaciaire mais que nous nous trouvons dans un stade interglaciaire. La première grande glaciation a eu lieu au précambrien, il y a environ 2,5 milliards d’années. Ce sont les sédiments déposés par les glaciers de l’époque qui indiquent une glaciation importante. Ce fut un changement majeur dans l’histoire de la Terre : l’oxygène passe dans l’atmosphère, c’est le « grand événement d’oxydation » : les cycles biogéochimiques sont modifiés, et l’intensité de l’effet de serre chute, ce qui entraîne cette glaciation. Le second grand événement est appelé « snowball Earth » (ou Terre boule de neige). Il a lieu entre 900 et 600 millions d’années. L’altération des roches consomme alors du CO2 : sa teneur dans l’atmosphère se réduit, l’effet de serre diminue et la glace se forme. L’albédo (ou pouvoir réfléchissant d'une surface) augmente, diminuant ainsi la température de la Terre : le refroidissement entraîne le refroidissement, et on pense que la Terre était alors totalement gelée, à l’exact opposé de ce que nous connaissons actuellement. Ces grands événements ont eu lieu sur un temps très long. Le froid est en effet très lent à se mettre en place, à l’inverse du réchauffement qui, lui, est rapide. Parallèlement, le Terre connaît des variations climatiques liées aux cycles astronomiques, et sa position par rapport au soleil. « Elle tourne comme une toupie qui vacille en fin de course » précise Jean-François Deconinck, et l’énergie reçue du soleil varie au cours du temps. Ces paramètres de variabilité sont cycliques, et ne varieront pas.

Le changement climatique actuel

Principalement lié aux activités humaines, le changement climatique que nous connaissons actuellement a commencé dans les années 1960. Il se caractérise par un réchauffement très rapide (+ 0,7°C en 50 ans en moyenne), lié à une augmentation des gaz à effet de serre (parmi lesquels la vapeur d’eau, présente à l'état naturel, et le dioxyde de carbone, CO2 ou le méthane, CH4, émis par les activités humaines). Ceci pose des problèmes spécifiques, car, si la biodiversité est capable de s’adapter à des modifications lentes, il est beaucoup plus difficile pour les espèces de s’adapter à des variations aussi brutales. Pourquoi ces variations rapides ? Si des incertitudes demeurent, le rôle de l'Homme est clairement devenu prépondérant par rapport aux causes naturelles (parmi lesquelles on trouve l’intensité du rayonnement solaire ou le volcanisme). Les activités nécessitant la combustion de l’énergie fossile (pétrole, gaz ou charbon) ou la fabrication de ciment à partir de carbonates, mais aussi certaines activités agricoles (qui libèrent du méthane et des nitrates) sont les principaux contributeurs.

Quel sera notre avenir climatique ?

Et quels seront les impacts pour l’homme, et pour la biodiversité ? D'ici à l'an 2100 ou 2200, la modélisation numérique du climat permet de mieux anticiper les évolutions futures selon plusieurs scénarii de développement socio-économique des sociétés humaines. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) met ainsi à disposition du public ses données et résultats. Ils alimentent d'ailleurs une partie des recherches scientifiques menées dans les laboratoires de l'uB. A l'heure où les Etats-Unis se désengagent de l'accord de Paris sur le climat, l'uB réaffirme son engagement en faveur du climat. A l’échelle du territoire de la Bourgogne-Franche-Comté, comme à des milliers de kilomètres (comme aux Îles Kerguelen), ses chercheurs sont des acteurs majeurs, tant pour la progression des connaissances que pour certaines préconisations. Ressources en eau, îlots de chaleur urbains, impact sur les agrosystèmes, climat de montagne, adaptation des hommes, histoire du climat… ce grand dossier de recherche vous invite à un « voyage au cœur de la recherche » sur le changement climatique et ses impacts.
Thierry Castel,enseignant-chercheur à AgroSup et chercheur associé au laboratoire Biogéosciences
Philippe Amiotte Suchet,Hydrogéochimiste à l'UFR SVTE

Changement climatique :

quels impacts sur les ressources en eau en Bourgogne ?

En Bourgogne, la ressource en eau est fortement morcelée et les réserves souterraines sont nombreuses, mais de capacité limitée. Le réchauffement climatique, en diminuant la recherche de ces réserves, pourrait avoir un impact majeur sur la gestion de l’eau. Alors est-il possible de réaliser des projections? « C’est tout l’enjeu du projet de recherche-action HYCCARE (HYdrologie, Changement Climatique, Adaptation, Ressource en Eau), achevé en 2016, et qui a l’originalité d’impliquer à la fois des scientifiques et des acteurs de terrain avec l’aide de structure comme Alterre, afin que les chercheurs, mais aussi les décideurs, gestionnaires et agriculteurs, puissent s’approprier les résultats » indique Thierry Castel, enseignant-chercheur à AgroSup et chercheur associé au laboratoire Biogéosciences.
L’objectif ? Porter à connaissance et mettre à disposition des décideurs et gestionnaires locaux des outils permettant de prendre en compte le risque lié aux impacts du changement climatique sur la ressource en eau. Une première à l’échelle fine d’un territoire régional et en continu pour la période 1980-2100.
Fosse Dionne à Tonnerre qui illustre la vidange des réserves d'eau souterraines. La Fosse Dionne est une source vauclusienne alimentée par la vidange de l'aquifère du plateau calcaire environnant la ville. © Philippe Amiotte Suchet
Observer,
modéliser,
projeter
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Après calibrage sur une période d’observation, et grâce au Centre de Calcul de l’université de Bourgogne, les chercheurs ont pu réaliser et appliquer une chaîne de modélisation hydro-climatique à plusieurs scénarii proposés par le GIEC (du moins vertueux au plus vertueux), et prendre ainsi partiellement en compte l’incertitude inhérente aux projections climatiques.
Résultat remarquable : en Bourgogne, les températures ont peu varié jusqu’à 1988 où on observe une nette rupture avec élévation brutale de la température, qui marque le passage à un climat plus chaud (+1°C en moyenne sur l’année). En outre, « si le niveau des précipitations annuelles n’a pas changé, le débit des cours d’eau en été (période d’étiage) a diminué après la rupture climatique » indique Philippe Amiotte-Suchet, Enseignant-Chercheur au laboratoire Biogéosciences en charge, avec Etienne Brulebois, de la partie hydrologique du projet. En cause, l’évapotranspiration de la végétation qui prélève plus d’eau au cours de son trajet vers les nappes et les cours d’eau.
En Bourgogne, le réchauffement se fera par « paliers » successifs, délimités par des ruptures dont le nombre et l’amplitude imprévisibles varient selon les projections. A partir du milieu du XXIe siècle, son ampleur dépendra des quantités de gaz à effet de serre émises. La durée des étiages va s’allonger, le débit des cours d’eau pendant cette période estivale va continuer à diminuer et le tout va s’accompagner d’une dégradation de la qualité de l’eau. D’où l’importance pour les acteurs du territoire et les gestionnaires de l’eau de s’approprier ces résultats, afin d’élaborer très concrètement des stratégies d’adaptation.
Quel avenir pour
les ressources
en eau
en Bourgogne ?
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La confluence de la Tille avec la Saône. © Philippe Amiotte Suchet
Pour aller plus loin +
RESSOURCES :

Le réchauffement climatique : une opportunité pour l’extension de la culture du pois ?

Thierry Castel,enseignant-chercheur à AgroSup et chercheur associé au laboratoire Biogéosciences
Dans les labos de l’uB, agronomes et climatologues combinent leurs forces autour d’une famille de plantes au potentiel encore méconnu : les légumineuses. Pois, fèves et autres lentilles disposent en effet d’atouts non négligeables pour les agriculteurs. D’abord, ils sont capables d’opérer des symbioses avec des champignons pour fixer l’azote de l’air et n’ont pas besoin d’en recevoir sous forme d’engrais. Mais surtout, leur forte teneur en protéines en fait des aliments particulièrement adaptés aux animaux. « En Bourgogne, la culture de pois d’hiver ou de printemps permet principalement de produire du fourrage », précise Thierry Castel, enseignant-chercheur d’AgroSup Dijon associé au laboratoire Biogéosciences (équipe CRC).

Cependant, leur forte sensibilité aux hivers froids et aux coups de chaleur peine à séduire les agriculteurs, inquiets de l’impact des aléas climatiques sur leur rendement. Pour rendre la culture des légumineuses plus attractive, les agronomes tentent de créer de nouvelles variétés mieux adaptées à leur environnement, ou idéotypes, en leur permettant par exemple de mieux supporter les chutes fortes et rapides des températures hivernales.
Effet du gel sur les plants
Un risque gélif plus important malgré le réchauffement climatique
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A leurs côtés, une équipe du centre de recherche en climatologie a étudié l’évolution du climat depuis 1961, et plus spécifiquement le risque gélif encouru par ces plantes « En Europe, le climat s’est brutalement réchauffé autour de 1987/1988, note Thierry Castel. Avant cette période, la température moyenne était de 10°C. Depuis la fin des années 80, elle dépasse les 11 °C ». Une hausse du mercure qui fragilise les plantes. En effet, les chercheurs ont constaté que les dégâts dus au gel étaient plus fréquents ces trente dernières années. « Pour passer l’hiver, les organismes ont besoin d’acquérir une résistance au froid, de s’acclimater, explique le climatologue. Si les températures hivernales sont globalement plus élevées, leur capacité à acquérir cette résistance au froid est moins bonne ». Les plantes sont donc plus vulnérables à une baisse soudaine, même modérée, des températures minimales.
Les équipes souhaitent porter leurs résultats à la connaissance des acteurs du secteur agricole pour les aider à mieux s’adapter à cet effet du changement climatique. « Ces travaux, conduits dans le cadre de deux projets PSDR (PROFILE et son successeur Prosys), sont intimement liés au plan gouvernemental Protéines végétales, dont le but est d’aller vers des systèmes de cultures multi-performants : meilleur rendement, bonne capacité d’adaptation, diminution des intrants, respect de l’environnement... Les légumineuses sont des éléments-clés dans la construction de ces nouveaux systèmes », conclut Thierry Castel.

Le centre de calcul de l’uB, un atout pour les chercheurs de l’université

Hébergé au datacenter, le centre de calcul de l’université de Bourgogne (CCuB) est un puissant outil proposé aux chercheurs par le Pôle des Systèmes d'Information et des Usages du Numérique (PSIUN). « Il s’agit d’un supercalculateur pour la réalisation de simulations numériques, de calculs scientifiques et de traitement de données massives à haute performance, détaille Didier Rebeix, responsable du centre de calcul. Il permet aussi le stockage et la sauvegarde de données scientifiques et met à disposition des logiciels scientifiques ». Aujourd’hui utilisé par quasiment toutes les disciplines de recherche, il a notamment joué un rôle important dans les simulations climatiques réalisées par le laboratoire Biogéosciences.
« Nous sommes spécialisés dans les simulations régionales, explique Julien Pergaud, ingénieur d’études CNRS en charge du calcul numérique intensif pour le laboratoire. Concrètement, pour générer nos projections climatiques, nous divisons l’atmosphère de la zone à étudier en millions de petits cubes. Chacun contient un certain nombre de données climatiques en un point précis : température, vent, précipitations, nuages... ». L’ensemble de ces données est ensuite traité par le centre de calcul, qui va simuler l’évolution dans le temps de tous ces paramètres. Des opérations qu’un simple ordinateur de bureau ne pourrait résoudre. « La puissance du CCuB est de 195 Teraflops. Cela signifie qu’il est capable d’effectuer 195 mille milliards d’opérations par seconde » précise Didier Rebeix.
Posséder une telle infrastructure à l’université est un véritable atout pour les chercheurs. Elle permet une économie de temps et d’argent non négligeable et leur fournit des ressources et des modes d’utilisation adaptés et peu contraignants. « Le CCuB nous permet d’être indépendants des très grands centres nationaux pour lesquels il aurait fallu déposer un projet, sans certitude d'être sélectionnés et donc d'avoir les ressources nécessaires pour nos travaux, note Julien Pergaud. La simplicité d’utilisation est remarquable, le support toujours disponible… C’est un réel confort pour nous et cela facilite notre travail au quotidien. »
Vue de détail du supercalculateur de l'uB
“Nous sommes spécialisés dans les simulations régionales”
Thomas Thévenin,directeur de ThéMA, site de Dijon
Thibaut Vairet,doctorant au laboratoire ThéMA

Les îlots de chaleur urbains

Recherche, aménagement et santé publique

Les modifications du climat résultent de changements climatiques combinés à des activités humaines. Reflétant ces activités, les îlots de chaleur urbains (ICU), phénomènes nocturnes, sont des élévations localisées de températures enregistrées en milieu urbain par rapport à sa campagne voisine. Grâce à un réseau de 60 sondes (unique en France), une étude d’identification menée par le Centre de Recherches de Climatologie (CRC) de l’uB a montré qu’à Dijon, ils peuvent atteindre 6,5°C en période estivale, ce qui est très important : la nuit, la ville ne se refroidit pas et les organismes ne peuvent pas se reposer convenablement. A terme, cela peut avoir des conséquences dramatiques chez les personnes vulnérables.

Surprenants, ces résultats suscitent l’intérêt des aménageurs et des acteurs de santé publique : comment faire en effet pour aménager la ville en réduisant les ICU et protéger les personnes fragiles ? A un projet de recherche scientifique viennent donc s’ajouter des questions très opérationnelles. Mais les chercheurs n’avaient pas imaginé cette demande au départ !
Carte de l’îlot de chaleur urbain moyen pour Dijon Métropole
Un modèle numérique climatique d’une finesse quasi-unique en France
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Pour apporter des éléments de réponse, le laboratoire ThéMa s’est associé au projet, posant un regard d’aménageur urbain sur les questions climatiques en « utilisant un modèle numérique climatique, quasi-unique en France par la finesse de sa résolution, qui « quadrille » la ville avec des cellules de 150 m de côté. A partir de grosses bases de données, on peut alors faire « tourner » ces modèles selon plusieurs scénarii d’aménagement, qui intègrent différents paramètres (morphologie d’étalement urbain, température, albedo - ou pouvoir réfléchissant d'une surface, pourcentage de végétalisation, etc.) » indique Thomas Thévenin, directeur de ThéMA, site de Dijon. Thibaut Vairet mène actuellement ce gros travail de modélisation. L’objectif ? Répondre à des questions très pratiques : « comment jouer précisément sur la surface de construction, les matériaux, l’albedo ou la végétalisation pour faire diminuer l’ICU au maximum ? » par exemple. Et surtout, qu’est ce qui est réalisable et qu’est ce qui ne le sera jamais ?
La hantise de la canicule de 2003 et de sa surmortalité étant encore bien présente chez les décisionnaires, Thomas Thévenin et Thibaut Vairet espèrent que « ces outils permettront à la fois d’orienter les documents d’urbanisme et de prévoir des programmes d’interventions sanitaires ».

Petit Age glaciaire et « désastres » :
la perception du changement climatique au Moyen Âge

Thomas Labbe,chercheur associé à l’UMR 6298 ARTEHIS
Au XIVe siècle, le climat change et le « Petit Age glaciaire » survient en Europe. « Froid, humide, et surtout variable, le climat fait l’objet de nombreux commentaires par les lettrés de l’époque, véritables mines d’or pour les historiens » indique Thomas Labbe, chercheur associé à l’UMR 6298 ARTEHIS.

« Ce changement s’accompagne de ce que nous appelons « catastrophes naturelles », comme le tremblement de terre de Bâle de 1356, ou des chutes brutales de productions agricoles entraînant disettes et famines ». Parallèlement, la société traverse de grands bouleversements sociaux (Grand Schisme de l’Eglise, guerre de Cent ans, épidémies de peste) qu’elle transpose dans une réflexion pessimiste sur les changements environnementaux, rappelant déjà des débats plus actuels.
Les catastrophes naturelles, des manifestations divines ?
Cependant, la perception des événements naturels était différente de la nôtre. Dans la morale religieuse collective, les désastres étaient interprétés comme des signes divins : les hommes rompaient par leurs péchés le pacte avec Dieu, qui leur envoyait une catastrophe. Nos ancêtres médiévaux éprouvaient ainsi peu de compassion pour les victimes (punies d’avoir péché), recherchant des coupables (parfois les sorcières) et répondant à ces désastres par des discours prophétiques et des actes religieux : processions, prières, etc. Pourtant, déclare Thomas Labbe, « l’histoire des catastrophes naturelles montre que les hommes du Moyen Âge étaient très conscients de l’environnement. Ils étaient par exemple capables de mesurer l’impact de la déforestation. Il n’y avait pas de superstition. » Et cette découverte bouleverse beaucoup d’idées reçues ! Depuis le XVIIIe siècle, et les grandes avancées scientifiques, les interprétations morales de la catastrophe ont changé. Au péché s’est substituée, par exemple, la cupidité industrielle. Les victimes, déresponsabilisées, génèrent une compassion plus automatique. Et depuis peu, les sciences sociales remettent en cause la distinction entre nature et culture, ouvrant de nouveaux champs de recherche, notamment pour les historiens…
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Images 1 à 4 : Ces images sont tirées des Wickiana, recueil d’histoires illustrées du XVIe siècle. Les images ont été reproduites dans l’ouvrage de Matthias Senn, Die Wickiana. Johann Jakob Wicks Nachrichtensammlung aus dem 16. Jahrhundert, Zürich, 1975.
Pour aller plus loin +

Y aura-t-il moins de neige sur le Mont Blanc en 2100 ?

Benjamin Pohlchargé de recherche CNRS, Biogéosciences
Quel avenir pour le massif du Mont Blanc ? C’est la question que se posent des chercheurs des laboratoires Biogéosciences et ThéMA dans le cadre d’un programme ANR. « Nous avons travaillé sur la probabilité de gel en hiver et en été, en analysant le climat actuel, puis en simulant l’évolution d’ici à la fin du siècle » explique Benjamin Pohl.
Pour ce faire, les chercheurs ont combiné les modèles climatiques du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat) et la statistique spatiale. « Ces modèles sont extrêmement puissants puisqu’ils permettent d’estimer le réchauffement climatique jusqu’à la fin du siècle en calculant les conséquences des émissions de gaz à effet de serre à grande échelle » poursuit le climatologue. Cependant, leurs résolutions ne descendent pas en-dessous de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de kilomètres. Ils ne permettent donc pas d’obtenir une projection précise du climat dans le seul massif du Mont Blanc. C’est là que la statistique entre en scène.
En associant l’environnement (l’altitude, par exemple) et les valeurs de température et de précipitations du réseau de stations Météo-France et de leurs équivalents en Suisse et en Italie, l’équipe a établi des relations statistiques entre l’altitude, le contexte topographique de la station et le climat de la zone. Elle a ensuite généralisé ces données à l’ensemble du massif. « La méthode que nous avons mise au point permet de régionaliser les changements climatiques à une échelle très fine, de l’ordre de 100 mètres de côté » résume Benjamin Pohl.
Massif du Mont-Blanc © Benjamin Pohl
« Une projection des différents futurs possibles »
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Une augmentation des températures pourrait avoir des conséquences importantes sur cette région emblématique et très touristique. Si les premiers résultats prédisent qu’il gèlera toujours au sommet du Mont Blanc à la fin du siècle, le reste du massif pourrait voir une fonte de son manteau neigeux et de ses glaciers, avec des répercussions environnementales et économiques majeures. « Nous travaillons actuellement avec des glaciologues de Grenoble et Chambéry, poursuit le chercheur. Au terme du programme ANR, en 2018, nous aurons une vision des futurs possibles de l’état du massif à la fin du siècle ». Des données que l’équipe souhaite partager largement avec l’ensemble des acteurs du territoire : collectivités locales, habitants, amoureux de la montagne…
Elle sait toutefois que son travail ne s’arrêtera pas là. « On a aujourd’hui la certitude que le climat se réchauffe, mais certains processus sont encore mal compris. Le changement climatique est l’un des gros défis de ce siècle pour l’humanité et l’on n’a pas fini de travailler sur ces questions ! » conclut Benjamin Pohl, précisant au passage que le climat est une machinerie aussi complexe que le cerveau humain…
Pour aller plus loin +
Olivier Galibert,responsable du réseau Transition et chercheur au laboratoire CIMEOS
Clément Pouponneau,coordinateur du réseau et chercheur en anthropologie des techniques.

Le changement climatique,
« symptôme d’une nécessité d’agir autrement »

S’il est admis que le changement climatique bouleverse la nature, on oublie parfois qu’il affecte également la société de manière directe et indirecte. A l’université de Bourgogne, le Réseau de Recherche sur la Transition socio-écologique, abrégé Réseau Transition, s’attache à fédérer des chercheurs de toutes disciplines mais aussi les entreprises, les citoyens et les collectivités autour de la transition socio-écologique. « Le changement climatique est un signal, le symptôme d’une nécessité d’agir autrement, explique Olivier Galibert, responsable du réseau et chercheur au laboratoire CIMEOS. Mais il est lié à d’autres questions qu’il faut également prendre en compte pour mieux préparer le monde de demain : énergie, transports, gestion des déchets… ». Plus concrètement, le réseau tente de comprendre comment accompagner les populations et les territoires dans les initiatives et les pratiques plus éco-responsables afin de limiter, entre autres, les effets négatifs de l’activité humaine tels que le changement climatique. Une approche qui place la recherche au premier plan. « Par leurs connaissances, leurs pratiques, les chercheurs peuvent être moteur de solutions innovantes qui permettront à chacun d’entre nous de vivre mieux dans le monde de demain » résume Olivier Galibert.
Le bocage du Morvan
Préparer la transition grâce à une approche globale
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Par les projets qu’il accompagne, le Réseau Transition ne néglige aucune facette de la transition socio-écologique : analyse des ressources en eau en Bourgogne, réflexion autour de l’utilisation de l’hydrogène comme carburant, développement de capteurs citoyens pour mesurer la pollution de manière dynamique, étude de l’évolution des bocages du Morvan depuis le Moyen-Âge… Tous les projets dans lesquels il s’implique sont transdisciplinaires et font appel à des chercheurs de différents horizons. Ainsi, ils sont analysés de manière globale et développés sous plusieurs angles. « En travaillant au contact d’autres laboratoires, les chercheurs sont amenés à se questionner les uns et les autres et étendent donc leur champ de vision » constate Clément Pouponneau, coordinateur du réseau et chercheur en anthropologie des techniques. De ces associations naissent des processus d’innovations essentiels dont les citoyens bénéficieront au quotidien… et auxquelles ils participent activement, à travers l’analyse de phénomènes et la participation active aux différentes études. « Il y a une réelle volonté de la société d’aller vers des comportements et des manières de consommer plus durables », note Olivier Galibert. Lorsque chercheurs et citoyens collaborent pour préparer le futur, difficile de ne pas se montrer confiant.

Îles Kerguelen : des oursins et quelques hommes

Thomas Saucède Directeur Adjoint de l’UMR 6282 CNRS/uB Biogéosciences
A environ 12 400 kilomètres de l’uB et à 3 400 km de la Réunion se trouvent les îles Kerguelen. Une réserve naturelle a été créée en 2006. Depuis 2016, elle est étendue aux 200 milles nautiques des eaux territoriales françaises environnantes. Ici aussi, dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises « les effets du changement climatique sont étudiés grâce à un cadre scientifique permettant le suivi des écosystèmes » indique Thomas Saucède, Directeur Adjoint de l’UMR 6282 CNRS/uB Biogéosciences et responsable de l’observatoire sous-marin « PROTEKER » mis en place autour de l’archipel grâce au soutien de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) et de la réserve naturelle des Terres australes françaises.
Collecte d’échantillons en plongée pour l’inventaire de la biodiversité marine côtière des Iles Kerguelen © Proteker
Comprendre comment les espèces se partagent l’espace
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Les acteurs du projet PROTEKER, des scientifiques de différentes nationalités, étudient la distribution de la biodiversité marine et notamment celle de certaines espèces d’oursins. En comparant ces répartitions, à des endroits précis, avec certains facteurs physico-chimiques (température, pH, salinité…), ils ont pu construire des modèles de distribution à plus large échelle. A l’aide de ces modèles, il est possible d’identifier les variables qui impactent le plus la répartition des espèces et d’établir des cartes de présence potentielle des espèces, parfois très différentes. En effet, certains oursins peuvent très bien s’adapter à une augmentation de la température, d’autres beaucoup moins. En fonction des modalités du changement climatique, on peut imaginer que ces derniers pourraient être amenés à se déplacer, modifiant ainsi les écosystèmes. Mais ils ne sont pas seuls ! De la même façon, d’autres espèces seront étudiées comme les poissons, les étoiles de mer ou encore les patelles. En fonction des différents scénarii du GIEC, il sera alors possible de prévoir tout un panel de cartes de présence potentielle future d’espèces.

Connaître les écosystèmes pour mieux les protéger

Les objectifs ? Mieux connaître les écosystèmes, leur vulnérabilité et leur résilience, afin notamment de définir des zones pertinentes de protection face aux menaces de la pêche, principale activité économique du secteur. Et pour contribuer à une meilleure connaissance globale des régions polaires, le projet PROTEKER a officiellement intégré la zone atelier antarctique du CNRS (ZATA) ainsi que le Comité Scientifique pour la Recherche Antarctique (SCAR), « superstructure » de recherche dont les résultats et les préconisations bénéficient d’une audience politique importante.

La formation en climatologie à l'université de Bourgogne s'articule autour des licences :

Ces licences donnent accès à deux masters en parcours mixtes professionnel et recherche :

Il existe également différentes formations axées autour du développement durable

Conclusion

Plus récente que les croyances médiévales, la théorie des gaz à effet de serre n'est pourtant pas nouvelle : dès 1896 Arrhenius estimait qu'un doublement du CO2 atmosphérique pourrait réchauffer l'atmosphère de 5°C. Un résultat remarquablement proche des calculs actuels, même si on sait aujourd'hui qu'il n'est pas exempt d'erreurs.
Ce sont les preuves du réchauffement qui sont récentes, avec une suspicion qui n'a fait que croître depuis les années 1980 avant de se muer en certitude dans les années 2000-2010. Et avec elles, la prise de conscience des sociétés humaines que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables, et que nos actions et notre mode de développement socio-économique peuvent entraîner des modifications quasi-irréversibles sur notre environnement planétaire. C'est un changement complet de paradigme. “Une vérité qui dérange”, disait Al Gore en 2006.
Aujourd'hui, l'heure du constat est terminée, l'heure de l'action a sonné. La transition vers un développement décarboné doit se faire à tous les niveaux, des accords internationaux aux initiatives régionales et même locales, qu'elles soient collectives ou individuelles. Ce sera indéniablement l'un des chantiers majeurs de l'Humanité en ce 21ème siècle.
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Dossier de la recherche - Juillet 2017 | Le changement climatique sur le gril
Coordination, graphisme/webdesign et intégration : Nicolas Popovic, Virginie Fidon et Romain Bahr - service communication, université de Bourgogne
Rédaction : Elsa Fachinetti, Juliette Brey-Xambeu
Remerciements :
Philippe Amiotte-Suchet, Thierry Castel, Jean-François Deconinck, Olivier Galibert, Thomas Labbe, Julien Pergaud, Benjamin Pohl, Clément Pouponneau, Didier Rebeix, Yves Richard, Thomas Saucède, Thomas Thévenin, Thibaut Vairet et Sébastien ZIto