Regards sur l'élection présidentielle
A cette occasion, des chercheurs et chercheuses de l’université de Bourgogne spécialistes en droit public, science politique, information-communication ou civilisations étrangères vous invitent à découvrir les coulisses de cet événement politique. Coût de l’élection, impact des sondages, fonctionnement des primaires, place des réseaux sociaux… On vous montre l’envers du décor.
le(la) président(e) de la République ?
conforme Majorité conforme :
président du même bord politique que la majorité de l’assemblée nationale et que le gouvernement :
- Très forte autorité. Ce que le président veut, le gouvernement accepte.
- Fort pouvoir d’influence sur les réformes et les lois.
contraire Majorité contraire :
Le président n’est pas du même bord politique que la majorité de l’assemblée nationale :
- Pouvoirs amoindris, moins d’influence.
- Faculté d’empêcher : ne peut plus inspirer les réformes proposées par le 1er ministre mais a la faculté de les empêcher ou de les retarder
- Organisation d’un référendum : doit recevoir une proposition du gouvernement
- Dissolution de l’assemblée nationale (une fois par an maximum)
- Pouvoirs exceptionnels de l’art. 16 : intégrité du territoire menacée ou fonctionnement régulier des territoires interrompus, il peut prendre librement toute mesure imposée par la situation. Il a « carte blanche » (Mis en œuvre une fois en 1961)
- Nomme le gouvernement
- Préside le conseil des ministres
- La défense nationale : chef des armées
- Les affaires étrangères : négocie et ratifie les traités internationaux, siège au conseil européen
Les élections présidentielles en France
Repères historiques
Par Jean VigreuxProfesseur d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne (Centre Georges Chevrier)
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1848Élection de Louis-Napoléon Bonaparte
L’élection du président de la République au suffrage universel direct remonte à la IIe République en 1848 (élu pour 4 ans et non rééligible) : en fait, le suffrage est semi-universel, les femmes ne votant pas. Les premières élections ont lieu le 10 décembre 1848 avec sept candidats. Louis-Napoléon Bonaparte est élu dès le 1er tour avec 5 400 000 voix.
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1851Coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte
Louis-Napoléon Bonaparte, ne suivant pas le texte constitutionnel (non rééligible), fait un coup d’état le 2 décembre 1851 puis instaure l’Empire. Depuis, les Républicains refusent de garder ce mode électoral jugé dangereux pour les institutions. Ainsi sous les IIIème et IVème Républiques, les élections ont lieu au suffrage indirect : députés et sénateurs élisent le président pour un mandat de 7 ans.
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1871La fonction de président de la République est rétablie et confiée
à Adolphe Thiers par l’Assemblée nationale -
1875 puis 1946Les Constitutions de la IIIe et IVè République fixent que le président de la République
est élu par les parlementaires (suffrage universel indirect) -
1958Le Général de Gaulle à la présidence du Conseil
En 1958, le retour du général de Gaulle à la Présidence du Conseil (chef du gouvernement) amène à un changement de constitution et, le 21 décembre, un collège de grands électeurs – composé de « 81 764 notables » (parlementaires, conseillers généraux, membres des assemblées des territoires d’outre-mer et représentants d’élus des conseils municipaux) – élit le Président de la République : de Gaulle obtient 62 394 voix (soit 78,5 %) face au communiste Georges Marrane (13,1 %) et à Albert Châtelet de l’UFD (8,4 %).
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1959Le premier Président de la Ve République prend ses fonctions le 8 janvier
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1962Révision constitutionnelle
Le Général de Gaulle, partisan de longue date d’un pouvoir exécutif dominant, décide de rétablir l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Cela met fin à un tabou républicain imposé par le souvenir du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte de 1851. Consulté par référendum, les Français approuvent à 62% ce nouveau mode de désignation du chef de l’Etat.
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19651re élection au suffrage universel
La première élection au suffrage universel a lieu en 1965 donnant assurément un nouveau souffle au régime, tout en confirmant la bipolarisation (gauche/droite) de la vie politique. De Gaulle est réélu au 2nd tour face à François Mitterrand, candidat unique des gauches. Cela consacre une acculturation rapide à ce vote particulier qui ne sera plus jamais remis en cause, malgré certaines réticences républicaines. Faut-il parler de « monarchie élective » ?
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1969Élection de Georges Pompidou
Après la démission du général de Gaulle en 1969, les élections ont lieu les 1er et 15 juin 1969. Sept candidats s’affrontent au 1e tour. Au 2nd tour Georges Pompidou candidat gaulliste est élu avec un peu plus de 58,2 % des suffrages face au centriste Alain Poher, alors que les gauches sont divisées. La Ve République survit donc au départ de son père fondateur.
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1974La bipolarisation s’accentue avec la poursuite de plusieurs scrutins : 1981, 1988, 1995, 2002
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2000La réforme constitutionelle réduit le mandat présidentiel à 5 ans
Devenir président de la République en France
Les règles (juridiques) du jeu
Elles sont définies par la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de
la République au suffrage universel et par le Code électoral.
de 500 élus +
En 2017, 61 personnes ont reçu des parrainages mais seuls 11 ont atteint les 500.
A noter : environ un élu sur trois utilise son pouvoir de signature.
patrimoniale +
- 3Être de nationalité française
- 4Avoir plus de 18 ans
- 5Ne pas être privé de son droit de vote(ne pas faire l’objet de condamnation pénale assortie d’une privation de droit de vote ni de mise sous tutelle assortie d’une privation de droit de vote notamment)
- 6Ne pas se représenter après deux mandats consécutifs
- 7Respecter les règles propres à son parti(primaires par exemple)
A noter : un candidat n’est pas obligé d’être soutenu par un parti pour se présenter - 8Ne pas être dans un cas d'incapacité prévu par la loi
- 9Être inscrit sur une liste électorale
- 10Respecter les règles encadrant le contrôle des comptes de campagne et la communication audiovisuelle pendant la campagne électorale
S’il est impossible de prévoir le coût total des élections de 2017, le coût ne pouvant être calculé qu’à l’issue des scrutins, il est possible de faire un bilan des précédentes élections. Une étude du député apparenté PS René Dosière a estimé à 228 millions d’euros le coût global de l'élection présidentielle de 2012 avec 10 candidats en lice (210,7 millions en 2007 avec 16 candidats). Avec une méthodologie un peu différente, le Sénat a estimé qu’en 2012, l'élection présidentielle et les élections législatives ont représenté pour l'État une dépense de 342 millions d'euros.
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Mise
sous pli51M€ -
Coût
d'acheminement49M€ -
Remboursement des candidats49M€
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Impressions47M€
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Organisation17M€
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Organisation
français
de l'étranger4M€ -
Campagne
radio/télé2,3M€ -
10M€
Financement des campagnes electorales :
que dit la loi ?
Elina LemaireMaître de conférences en droit public au laboratoire CREDESPO (Centre de Recherche et d'Etude en Droit Et Science POlitique)
et égalité
finance ?
Le Blog du droit électoralcoordonné par Romain Rambaud, Professeur des universités, agrégé de droit public, spécialiste en droit électoral (Université Grenoble-Alpes, Faculté de droit de Grenoble)
Les élections présidentielles en France
Les différents partis politiques
Par Dominique AndolfattoProfesseur de Science Politique au laboratoire CREDESPO (Centre de Recherche et d'Etude en Droit Et Science POlitique)
“En politique comme ailleurs, l’union fait la force !”
Difficile aujourd’hui d’imaginer une élection présidentielle sans partis. Sur les 11 candidats présents au premier tour en 2017, tous appartiennent à un parti politique, certains créés spécialement dans cette perspective. Et cela n’a rien d’un mystère : « Il est plus facile de faire campagne et de gagner une élection lorsque vous êtes soutenu par une organisation qui vous fournit des ressources et gère votre logistique » constate Dominique Andolfatto, enseignant-chercheur en science politique. En politique comme ailleurs, l’union fait la force !
L’existence des partis ne saurait cependant se résumer à une simple lutte pour le pouvoir. En effet, ces formations politiques sont intrinsèquement liées à la démocratie. « En permettant à différents courants d’opinions de s’affronter, les partis donnent vie à notre système politique », poursuit Dominique Andolfatto. C’est ce pluralisme qui distingue une démocratie d’un régime autoritaire ou totalitaire, dont le pouvoir est souvent détenu par un parti unique... lorsqu’il y en a un.
Pas de démocratie sans partis
Néanmoins, à chaque époque, les partis ont essuyé de vives critiques. « Sous la révolution française, ils suscitaient déjà la méfiance, rappelle le chercheur. On les accusait de confisquer le débat démocratique ».
Des voix s’élèvent également contre leurs dérives oligarchiques : « certaines élites s’emparent de la gouvernance du parti et mettent tout en œuvre pour conserver le pouvoir et éviter que d’autres leur succèdent ». Par leur omniprésence, ces élites monopolisent le débat et les postes électifs et lassent les citoyens.
Pourtant, à l’heure où les discours populistes inondent les médias et alimentent les discussions politiques, le produit de cette contestation est, le plus souvent… l’émergence de nouveaux partis. Une conséquence qui ne surprend en rien Dominique Andolfatto : « Le développement des partis est consubstantiel au développement de la démocratie. C’est un leurre de croire que la démocratie est possible sans eux ».
Les primaires en France
maître de conférences en science
politique rattachée au CREDESPO
(Centre de Recherche et d'Etude
en Droit Et Science POlitique)
professeure de civilisation
britannique au laboratoire TIL
(Centre Interlangues)
populaire au candidat élu”
individus au-delà du scrutin”
En 2011, le parti socialiste instaure pour la première fois en France des Primaires ouvertes, permettant aux électeurs de choisir son candidat à l’élection présidentielle. En 2016, les Républicains organisent à leur tour les Primaires de la droite et du centre, auxquels 4 millions de Français prennent part. Comment expliquer ce désir soudain de déléguer cette sélection aux citoyens ?
« La réponse la plus évidente, c’est que la Primaire donne une légitimité populaire au candidat élu, explique Alexandra Goujon, maitre de conférences en science politique rattachée au CREDESPO. Le parti cherche à présenter le candidat qui le plus de chance de l’emporter. Dans le même temps, elle réduit les conflits liés au choix du candidat en le sortant d’une lutte intestine au sein des instances dirigeantes ». Le candidat étant choisi par le peuple, sa candidature n’est plus discutable – bien que rien n’empêche légalement les perdants de se présenter à l’élection présidentielle.
Mais cet intérêt récent pour la Primaire est motivé par un autre objectif, plus officieux : lutter contre la crise des partis. Depuis plusieurs années, ils perdent des militants et peinent à recruter de nouveaux adhérents. « C’est un moyen de remobiliser des individus au-delà du scrutin, précise Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique (laboratoire TIL). Lors de la Primaire, les partis mettent en place des mécanismes d’identification des sympathisants pour les mobiliser à l’approche de l’élection présidentielle ». Ainsi, si vous avez laissé vos coordonnées lors d’une Primaire, il est probable que vous ayez été recontacté et convié aux meetings du candidat choisi.
Vous souhaitez être le candidat officiel de votre parti favori à la prochaine élection ? Sachez que la concurrence est rude et que les conditions, fixées par les partis eux-mêmes, impliquent de bénéficier d’une certaine notoriété. Il vous faudra montrer patte blanche en recueillant un certain nombre de parrainages de la part de vos pairs, voire des adhérents. Sur les 24 candidatures déposées auprès de la Haute autorité pour la Primaire socialiste de 2017, seules 7 remplissaient les conditions requises.
Enfin, si vous souhaitez vous engager en politique de façon indépendante, vous pouvez tenter votre chance à LaPrimaire.org, une Primaire citoyenne organisée sur internet. « Les candidats sont des citoyens, qui ont potentiellement un engagement politique mais ne sont pas partisans », précise Alexandra Goujon. Pour sa première édition, 215 citoyens étaient candidats à cette Primaire remportée par Charlotte Marchandise. Elle sera pourtant absente du 1e tour de la Présidentielle, n’ayant pas obtenu les 500 parrainages requis…
Les primaires
au Royaume uni et aux États-unis
maître de conférences en civilisation américaine
au laboratoire TIL
(Centre Interlangues)
professeure de civilisation
britannique au laboratoire TIL
(Centre Interlangues)
Bien qu’elles semblent similaires aux nôtres, la philosophie des primaires américaine est très différente. « En Europe, les primaires sont des processus qui émanent des partis et s’imposent à la base électorale. La primaire américaine est un processus qui part de la base électorale pour s’imposer au parti » résume Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique (laboratoire TIL). Au pays de l’Oncle Sam, les partis sont des « coquilles vides » constate Alix Meyer. Ils permettent d’identifier les candidats auprès de l’électorat en leur donnant une étiquette partisane mais ne leur apportent aucun soutien organisationnel et financier. Il n’est même pas nécessaire d’avoir un historique au sein du parti, encore moins d’être soutenu par ses membres, pour se présenter à sa primaire. Donald Trump, affilié au parti démocrate sur les listes électorales il y a encore une dizaine d’années, est la parfaite illustration de ce système.
Tout citoyen américain pourrait donc accéder à la plus haute marche de l’Etat ? En théorie, oui. Dans les faits, il doit disposer d’une importante réserve d’argent. « Les candidats ne perçoivent pas de financements publics, note Alix Meyer. Ils doivent donc se faire connaitre par leurs propres moyens, la solution la plus simple étant de passer à la télévision en achetant des spots publicitaires ».
Plusieurs systèmes, une même contestation
Au Royaume-Uni, monarchie oblige, les choses sont encore différentes. Seul le parti conservateur a introduit des primaires ouvertes lors des élections législatives et ce, dans une poignée de circonscriptions. De son côté, le parti travailliste a organisé des primaires semi-ouvertes pour l’élection de son leader en 2015, pour lesquelles une inscription de 3£ (3.50€) était requise. « Cette élection a donné lieu à l’émergence d’un leader, Jeremy Corbyn, complètement contesté par la base parlementaire mais disposant d’une force vive au sein du pays » relève Agnès Alexandre-Collier.
Ces tensions, que l’on observe également en France et aux Etats-Unis, s’expliquent par un phénomène appelé « polarisation partisane » : « les sympathisants qui votent aux primaires tendent à choisir des candidats plus radicaux, dont les opinions politiques sont nettement marquées à droite ou à gauche, développe Alix Meyer. Or, les chefs de partis préfèrent des candidats plutôt modérés, afin de recueillir les voix du centre et obtenir une majorité ». Ce phénomène provoque des situations problématiques, où le leader élu peine à obtenir le soutien de son parti.
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Alexander Frame,
Maître de conférences
en information et communication
au laboratoire TIL
(Centre Interlangues) -
Gilles Brachotte,
Maître de conférences
en information et communication
au laboratoire CIMEOS
(Laboratoire en sciences de l'information
et de la communication) -
Frédéric Junger,
Doctorant au laboratoire CIMEOS
(directeur de thèse : P. Lardellier,
co-directeur : G. Brachotte)
(Laboratoire en sciences de l'information
et de la communication)
Dans ce contexte, impossible pour les candidats à l’élection présidentielle de se passer de l’audience offerte par ces plateformes. « Il y a une attente de la part des journalistes et des électeurs, ils n’ont pas le choix » assène Gilles Brachotte, maître de conférences en information et communication (laboratoire CIMEOS). « Ils sont en quête de légitimité et de visibilité, précise Frédéric Junger, doctorant au laboratoire CIMEOS (directeur de thèse : P. Lardellier, co-directeur : G. Brachotte). Leur présence sur les réseaux doit être remarquable et remarquée par les médias traditionnels, pour que leurs messages soient repris. » Car c’est bien là tout l’enjeu des réseaux sociaux. Désormais, un simple tweet permet de toucher les médias, où que l’on soit et à tout moment. La possibilité d’envoyer des messages directs (« DM ») sur Twitter facilite également les échanges entre journalistes et personnalités politiques. Ces plateformes favorisent donc l’interactivité… dans une certaine mesure.
Politiques et électeurs : la communication demeure à sens unique
Et le peuple dans tout ça ? « Les études convergent vers le fait qu’il n’existe pas de proximité accrue entre les hommes politiques et les électeurs grâce aux réseaux sociaux » constate Alexander Frame, maître de conférences en information et communication (laboratoire TIL). Le plus souvent, leurs comptes et pages sont animés par des assistants parlementaires, dont la tâche est avant tout de relayer un discours politique. Il est donc peu probable qu’un candidat que vous avez interpelé sur Twitter vous réponde.
Une proximité illusoire que les candidats maîtrisent et exploitent. Plusieurs d’entre eux sont déjà passés à la vitesse supérieure en diffusant leurs interventions en direct, sur Facebook ou Périscope, laissant les internautes réagir en temps réel. Une prise de risque mesurée : « Ils jouent l’interaction sans la jouer, note Frédéric Junger. Ils sélectionnent les questions auxquelles ils répondent et ne se préoccupent pas des retours. Finalement, ils ne font que transposer sur un média social les pratiques qu’ils ont développées depuis des années ». Mais peuvent-ils vraiment faire autrement ? « S’ils jouaient le jeu, ils se filmeraient en direct dans la rue avec leur téléphone et répondraient aux questions au fur et à mesure. Mais soyons réalistes : ce serait suicidaire ! ».
Au pays de la sonde
Voyage au-dessus de l'archipel des sondages
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Claude Patriat,
professeur émérite de science politique
laboratoire CREDESPO (Centre de Recherche et d'Etude en Droit Et Science POlitique)
Certes, le débat n’est pas d’aujourd’hui, et il est récurrent. Dans le contexte actuel d’incertitudes politiques, économiques et sociales, où la confiance dans les partis de gouvernement s’est gravement érodée, il prend une dimension nouvelle. Les sondages répétés font plus que prendre la température, ils contribuent à traiter la fièvre en distribuant des cartes qui orientent les électeurs. En effet, malgré les affirmations des instituts, le résultat public d’une enquête n’est jamais neutre : il ne se contente pas, quoiqu’en aient les sondeurs, de mesurer une pression sans l’influer. Il s’agit, certes, à un instant « t », d’une photographie, mais la photographie crée son objet. D’autant mieux que les modes de communication sont désormais bouleversés par les mutations technologiques : l’efflorescence des réseaux sociaux a engendré une insondable chambre d’écho. L’observation des mouvements, la répétition des nominés donnent une formidable épaisseur virtuelle à la réalité.
Les derniers mois sont émaillés des effets des sondages sur l’offre politique : aux USA, on l’aura vu avec la chute de Bernie Sanders ; en France, avec celle de Nicolas Sarkozy puis d’Alain Juppé, avec le retrait de François Hollande, la défaite de Manuel Valls, l’impossible émergence d’Arnaud Montebourg. Dans tous ces cas, un scénario d’une prédictible ascension surprise est venu compromettre le jeu figé en apparence. Alors, les sondages, une atteinte au processus démocratique libre ? Pas si simple. Il semble bien, au contraire que s’ils en modifient substantiellement les règles de fonctionnement, ce n’est pas nécessairement au détriment de la liberté. Ils contribuent bien à forger l’offre politique, mais au prix d’une reconnaissance d’une interactivité avec les sondés. Les citoyens ont visiblement appris à jouer avec les enquêtes, dans quelque chose qui n’est pas sans rappeler le poker découvert : on garde une carte cachée, et on ne la sort qu’au dernier moment, après avoir laissé ou fait monter les enchères. En matière de sondage, comme en matière de mariage, prévaut toujours le vieil adage, « trompe qui peut ».
Les sondages, comment ça marche ?
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Camélia Goga,
maître de conférences à l'IMB (institut de Mathématiques de Bourgogne)
Les personnes échantillonnées sont interrogées sur leur intention de vote mais également sur leur choix fait aux élections présidentielles et législatives précédentes. Les estimations des intentions de vote sont ainsi obtenues comme des moyennes pondérées qui permettent de retrouver de façon exacte les résultats des élections précédentes avec des marges d’erreur de plus au moins 3% (pour 1000 personnes échantillonnées). Chaque institut de sondage a sa méthode propre de redressement qui n’est qu’en partie dévoilée pour des questions de confidentialité.
Néanmoins, et bien que faciles à mettre en œuvre, ces enquêtes peuvent être critiquables pour plusieurs raisons, dont les plus importantes sont les questions de biais, d’inférence des résultats et de calcul de la précision. Si certains quotas caractérisant l’intention de vote ne sont pas pris en compte lors de la construction de l’échantillon, un biais de sélection peut apparaître.
Une autre faiblesse de cette méthode est que la loi du hasard qui permet de sélectionner les individus dans l’échantillon n’est pas connue. Il est alors difficile d’inférer ou d’extrapoler les résultats obtenus sur l’échantillon à la population entière et de calculer des marges d’erreur fiables. Une méthode adaptée serait d’utiliser des quotas probabilistes mais plus difficiles à mettre en œuvre.
Il ne faut pas oublier que l’opinion publique, et encore plus celle électorale, est difficile à mesurer, encore plus à prédire. Il ne suffit parfois que d’un seul évènement dans la vie politique pour que l’opinion change complètement entre la date de l’enquête et celle de l’élection. Ces enquêtes donnent une estimation valable le jour-même de l’enquête et dans une société en mouvement perpétuel, il est difficile d’être « l’oracle » qui prédit le candidat gagnant le jour J.
Frame, A., & Brachotte, G. (Éd.). (2015). Citizen Participation and Political Communication in a Digital World. New York: Routledge.
Frame, A., Mercier, A., Brachotte, G., & Thimm, C. (Éd.). (2016). Tweets from the Campaign Trail: Researching Candidates’ Use of Twitter during the European Parliamentary Elections. Frankfurt: Peter Lang.
Ardilly, P. (2006). Les techniques de sondages, Editions Technip.
Goga, C. et Ruiz-Gazen, A. (2017). Statistique sur les données, exhaustivité et échantillonnage, dans Big Data à Découvert (eds. Bouzeghoub, M. et Mosseri, R.), CNRS Editions
- La mention droit public :
- Master 2 protection des droits fondamentaux et libertés
- Master 2 juriste collectivités territoriales
- Master 2 droit des ressources humaines des fonctions publiques (DRHFP)
- La mention justice, procès et procédure :
- Master 2 droit processuel
c'est de regarder ce que le grand public
ne regarde pas"
Le 23 avril se déroule le premier tour de la onzième élection présidentielle de la Vème République. Un scrutin encadré par des règles strictes, fixées par le droit constitutionnel, mais dont l’issue dépend essentiellement d’un facteur : les hommes et les femmes qui, par leur vote ou leur engagement politique, portent, expriment et défendent leurs convictions. Ainsi, ils imposent à notre démocratie une évolution constante, pour mieux l’adapter aux problématiques sociétales actuelles. A bonne distance, les chercheuses et chercheurs tiennent le rôle d’observateurs et d'analystes. La recherche en science politique et en droit étudie et analyse les mécanismes du système politique et tente de décrypter ses ressorts cachés. Il cherche aussi à comprendre pourquoi et comment le système constitutionnel évolue, mais aussi, plus au fond, comment on accède au pouvoir, quel usage est fait de ce pouvoir et comment l’encadrer. « Le rôle de la recherche, c’est de regarder ce que le grand public ne regarde pas » résume Dominique Andolfatto. En décortiquant les tendances et les variations de la vie politique, le rôle de la recherche consiste, finalement, à dresser un portrait de la société française à un instant T : ses interrogations, ses projets, ses opinions... Un portrait de sa culture, en somme.
Coordination, graphisme/webdesign et intégration : Nicolas Popovic, Elsa Fachinetti, Virginie Fidon et Romain Bahr - service communication, université de Bourgogne
Rédaction : Elsa Fachinetti, Juliette Brey-Xambeu
Crédits photo : Fotolia
Remerciements :
Agnès Alexandre-Collier, Dominique Andolfatto, Gilles Brachotte, Alexander Frame, Camélia Goga, Alexandra Goujon, Frédéric Junger, Elina Lemaire, Alix Meyer, Claude Patriat, Jean Vigreux